On the Banks of the Marne by Anna de Noailles

Painting: Bords de la Marne by Camille Pissarro, 1866

The slow and yielding River Marne
slips past an open, spacious and exhausted land
where sleeping villages hatch from the grass
like stars appearing in the sky.

Here, nature has resumed her careless dreaming,
a white workhorse labours at the plough
while old folk wander through a mottled view of vines,
roses still bloom on an autumnal bush,
a greedy goat is tangled in a bramble patch,
the grapes have been gathered in, the hillside sleeps.

Nothing now bears witness to that inhuman business
except a mound that may hide the shape of a body.
This silent soil embraces all the heroes, broken
by fatigue and hunger, who, knowing they would never
see its end, gave their all in the Battle of the Marne.

The land has covered them. We do not know their names.
They have only the grass and the wind to talk to.
They have entered our dreams.

Beyond these hills and hollows, the muffled,
swooning sound of cannon-fire sinks into the ether.
Night begins to fall. The now infamous river,
forever heedless of what happened here,
soaks up the languor of twilight and falls asleep.

Dazed by the shock of fate, my eyes absorb
the indelible glory and calm possessed by things,
even when men are dead.

October 1916

 

Les bords de la Marne

La Marne, lente et molle, en glissant accompagne
Un paysage ouvert, éventé, spacieux.
On voit dans l’herbe éclore, ainsi qu’un astre aux cieux,
Les villages légers et dormants de Champagne.

La Nature a repris son rêve négligent,
Attaché à la herse un blanc cheval travaille.
Les vignobles jaspés ont des teintes d’écaille
A travers quo l’on voit rôder de vieilles gens.

Un automnal buisson porte encore quelques roses.
Une chèvre s’enlace au roncier qu’elle mord.
Les raisins sont cueillis, le coteau se repose,
Rien ne témoigne plus d’un surhumain effort
Qu’un tertre soulevé par la forme d’un corps.

– Dans ce sol, sans éclat et sans écho, s’incarnent
Les héros qui, rompus de fatigue et de faim,
Connaissant que jamais ils ne sauront la fin
De l’épique bataille à laquelle ils s’acharnent,
Ont livré hardiment les combats de la Marne.

La terre les recouvre. On ne sait pas leur nom.
Ils ont l’herbe et le vent avec lesquels ils causent.
Nous songeons.

Par delà les vallons et les monts
On entend le bruit sourd et pâmé du canon
S’écrouler dans l’éther entre deux longues pauses.
Et puis le soir descend. Le fleuve au grand renom,
A jamais ignorant de son apothéose,
S’emplit de la langueur du crépuscule, et dort.
Je regarde, les yeux hébétés par le sort,
La gloire indélébile et calme qu’ont les choses
         Alors que les hommes sont morts.

Octobre 1916

 

Painting: Bords de la Marne by Camille Pissarro, 1866